Lettre des victimes d'homophobie de Nancy |
Nancy, le 23 juillet 2003. « Casser du pédé », on pourrait croire que de nos jours, dans une société qui se réclame tolérante, une telle expression serait remisée aux oubliettes. Désormais, l’homophobie verbale ou physique est punissable par la Loi, il n’empêche que ce genre de lynchage continuant à être exercé à l’encontre des homosexuels, on mesure encore tout le travail qui reste à accomplir pour élever les consciences. Je ne suis pas quelqu’un de foncièrement militant, le combat, je le mène à mon niveau, en ne cachant pas ce que je suis, à mon grand désarroi parfois. Voici donc la situation, la journée du 20 juillet ayant été particulièrement étouffante et chaude, j’ai décidé avec mon compagnon de profiter de la douceur de la nuit pour nous rafraîchir. Tout porte à croire, que, aux yeux de certains individus particulièrement obtus, deux hommes qui se tiennent la main, ça peut choquer la morale. Donc, chemin faisant, dans la bonne Ville de Maxéville, à cinq minutes du centre ville de Nancy, nous avons rencontres six aimables jeunes hommes qui devaient avoir foncièrement envie de se défouler ce soir là (l’oisiveté et la chaleur n’a pas fini de faire des ravages chez nos jeunes concitoyens, plaignons les). Comme nous nous tenions la main, moi et mon compagnon, ils commencèrent par nous insulter en des (termes que vous pouvez imaginer élogieux, sachant que les paroles les moins blessantes étaient de l’ordre du « grosses pédales », « bande de foot’s ». Ce genre de réaction est, hélas, plutôt commune en notre 21e siècle, et même si la Loi actuelle nous permet aujourd’hui de porter plainte contre quiconque les prononce, on ne va pas s’arrête à ça. Perte de temps. Les remarques, les regards de dégoûts, tout cela glisse, à force. C’est là qu’on mesure tout le travail à faire pour remédier à l’ignorance, il serait peut-être temps pour notre bon Gouvernement d’inclure et de notifier dans ses programmes scolaires qu’il existe plusieurs formes de sexualité autre que la forme conventionnelle, celle que d’aucuns jugeraient, la sexualité « normale »… Bref, donc après plusieurs minutes de ce ballet d’insultes, nous avons décidé de réagir, en émettant, gentiment, de menues remarques ironiques à l’encontre de nos six adorables camarades masculins. Bien mal nous en a pris, puisqu’ils commencèrent à nous suivre, à nous rejoindre et à nous encercler. Nous avons tenté une nouvelle fois la voie diplomatique afin de nous en tirer à bon compte, sans grande conviction je l’avoue, et vainement. Comme vous l’imaginez aisément, à six contre deux, la partie fut relativement inégale. En moins de deux ou trois minutes, nous étions à terre, comme nous le savons tous, comment les gays que nous sommes pourraient se défendre : de nos petits poings serrés ?. A coups de sac à main ? Les « tapettes », ça ne sait pas se battre. Les six gentils messieurs finissent par s’enfuir en courant. Mais, ne soyons pas aigris, les deux pédés que nous sommes s’en tirent à bon compte, après avoir joint nous même (merci la compatissance générale) le SAMU et filé aux urgences. Bilan du passage à tabac, pardon, soyons moins véhéments, de l’agression : plaie ouverte au crâne, nez en sang, dos en vrac, de jolis yeux pochés, sans compter de multiples contusions et ecchymoses au visage et au corps. Je pense qu’il serait temps de réagir, même mi qui ne suis pourtant pas militant dans l’âme, alors, quand on me demandera pourquoi je me suis fait agresser dans la rue avec mon chéri, je répondrai simplement : « parce que je suis amoureux ». Néanmoins, ne noircissons pas le tableau plus que nécessaire, nous avons été pris en charge efficacement par les services d’urgence. Et, alors même que nous le craignions en déposant plainte, nous avons été superbement reçu au Commissariat du 4e arrondissement de Nancy, boulevard Charles V, par une charmante Elève Officier de Police, tolérante et compatissante, mais, selon son propre aveu, ce n’est pas foncièrement une généralité chez la maréchaussée nationale. Voilà donc mon témoignage, je ne me fais pas beaucoup d’illusions, je suis conscient qu’une plainte contre X donne rarement suite, mais j’espère qu’à défaut d’être réglée, cette histoire aura le mérite de servir aux autres, d’informer et de faire prendre conscience du chemin qu’il reste à accomplir. Ah, un dernier conseil à toutes et tous, camardes homosexuel (le) s de tout poil, évitez Maxéville !!!!! Nicolas Garland |