J.O. Numéro 267 du 17 Novembre 2001 page 18311
Lois
Loi no 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les
discriminations (1)
NOR : MESX0004437L
L'Assemblée nationale et le Sénat ont délibéré,
L'Assemblée nationale a adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article 1er
I. - L'article L. 122-45 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 122-45. - Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de
recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en
entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet
d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération,
de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de
classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement
de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son
orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de son
appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une
nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou
mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son
patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le
cadre du titre IV du livre II du présent code, en raison de son état de santé
ou de son handicap.
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une
mesure discriminatoire visée à l'alinéa précédent en raison de l'exercice
normal du droit de grève.
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une
mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux alinéas
précédents ou pour les avoir relatés.
« En cas de litige relatif à l'application des alinéas précédents, le
salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période
de formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer
l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments,
il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée
par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme
sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures
d'instruction qu'il estime utiles.
« Toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de
plein droit. »
II. - L'article L. 122-35 du code du travail est ainsi modifié :
1o Au deuxième alinéa, après le mot : « moeurs, », sont insérés les mots
: « de leur orientation sexuelle, de leur âge, » ;
2o Au deuxième alinéa, après le mot : « confessions, », sont insérés les
mots : « de leur apparence physique, de leur patronyme, ».
III. - L'article 225-1 du code pénal est ainsi modifié :
1o Au premier alinéa :
a) Après le mot : « famille, », sont insérés les mots : « de leur
apparence physique, de leur patronyme, » ;
b) Après le mot : « moeurs, », sont insérés les mots : « de leur
orientation sexuelle, de leur âge, » ;
2o Au deuxième alinéa :
a) Après le mot : « famille, », sont insérés les mots : « de l'apparence
physique, du patronyme, » ;
b) Après le mot : « moeurs, », sont insérés les mots : « de l'orientation
sexuelle, de l'âge, ».
IV. - L'article 225-2 du code pénal est ainsi modifié :
1o Au 5o, après les mots : « offre d'emploi », sont insérés les mots : « ,
une demande de stage ou une période de formation en entreprise » ;
2o L'article est complété par un 6o ainsi rédigé :
« 6o A refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2o de
l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale. »
V. - L'article L. 611-1 du code du travail est ainsi modifié :
1o Au deuxième alinéa, les mots : « à la règle de l'égalité
professionnelle » sont supprimés ;
2o Au deuxième alinéa, après les mots : « au 3o », sont insérés les mots
: « et au 6o ».
VI. - Dans le quatrième alinéa de l'article L. 611-6 du code du travail, les
mots : « à la règle de l'égalité professionnelle » sont supprimés et, après
les mots : « au 3o », sont insérés les mots : « et au 6o ».
VII. - L'article L. 611-9 du code du travail est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Les inspecteurs du travail peuvent se faire communiquer tout document ou tout
élément d'information, quel qu'en soit le support, utile à la constatation de
faits susceptibles de permettre d'établir l'existence ou l'absence d'une méconnaissance
des articles L. 122-45, L. 123-1 et L. 412-2 du présent code et de l'article
225-2 du code pénal. »
Article 2
I. - Après l'article L. 122-45 du code du travail, il est inséré un article
L. 122-45-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-45-1. - Les organisations syndicales représentatives au plan
national, départemental, pour ce qui concerne les départements d'outre-mer, ou
dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de
l'article L. 122-45, dans les conditions prévues par celui-ci, en faveur d'un
candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise ou
d'un salarié de l'entreprise sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé,
pourvu que celui-ci ait été averti par écrit et ne s'y soit pas opposé dans
un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'organisation
syndicale lui a notifié son intention. L'intéressé peut toujours intervenir
à l'instance engagée par le syndicat.
« Les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour
la lutte contre les discriminations peuvent exercer en justice toutes actions
qui naissent de l'article L. 122-45, dans les conditions prévues par celui-ci,
en faveur d'un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation
en entreprise ou d'un salarié de l'entreprise, sous réserve qu'elles
justifient d'un accord écrit de l'intéressé. Celui-ci peut toujours
intervenir à l'instance engagée par l'association et y mettre un terme à tout
moment. »
II. - Il est inséré, après l'article L. 122-45 du même code, un article L.
122-45-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-45-2. - Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié
faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur
sur la base des dispositions du présent code relatives aux discriminations,
lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse
et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur à raison de l'action
en justice. En ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé
comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.
« Si le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, le
conseil de prud'hommes lui alloue une indemnité qui ne peut être inférieure
aux salaires des six derniers mois. De plus, le salarié bénéficie également
d'une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement prévue par
l'article L. 122-9 ou par la convention ou l'accord collectif applicable ou le
contrat de travail. Le deuxième alinéa de l'article L. 122-14-4 est également
applicable. »
III. - Le premier alinéa de l'article L. 422-1-1 du même code est complété
par une phrase ainsi rédigée :
« Cette atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles peut
notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération,
de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de
qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de
contrat, de sanction ou de licenciement. »
Article 3
Après l'article L. 122-45 du code du travail, il est inséré un article L.
122-45-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-45-3. - Les différences de traitement fondées sur l'âge ne
constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et
raisonnablement justifiées par un objectif légitime, notamment par des
objectifs de politique de l'emploi, et lorsque les moyens de réaliser cet
objectif sont appropriés et nécessaires.
« Ces différences peuvent notamment consister en :
« - l'interdiction de l'accès à l'emploi ou la mise en place de conditions de
travail spéciales en vue d'assurer la protection des jeunes et des travailleurs
âgés ;
« - la fixation d'un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation
requise pour le poste concerné ou la nécessité d'une période d'emploi
raisonnable avant la retraite. »
Article 4
I. - Le quinzième alinéa (10o) de l'article L. 133-5 du code du travail est
ainsi rédigé :
« 10o L'égalité de traitement entre salariés, quelle que soit leur
appartenance à une ethnie, une nation ou une race, notamment en matière d'accès
à l'emploi, de formation, de promotion professionnelle et de conditions de
travail ; ».
II. - Le neuvième alinéa (8o) de l'article L. 136-2 du même code est ainsi rédigé
:
« 8o De suivre annuellement l'application dans les conventions collectives du
principe à travail égal salaire égal, du principe de l'égalité
professionnelle entre les hommes et les femmes et du principe d'égalité de
traitement entre les salariés sans considération d'appartenance à une ethnie,
une nation ou une race, de constater les inégalités éventuellement
persistantes et d'en analyser les causes ; la commission nationale a qualité
pour faire au ministre chargé du travail toute proposition pour promouvoir dans
les faits et dans les textes ces principes d'égalité. »
Article 5
I. - Après le quatrième alinéa de l'article L. 123-1 du code du travail, il
est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de litige relatif à l'application du présent article, le salarié
concerné ou le candidat à un recrutement présente des éléments de fait
laissant supposer l'existence d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée
sur le sexe ou la situation de famille. Au vu de ces éléments, il incombe à
la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments
objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après
avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime
utiles. »
II. - L'article L. 123-6 du même code est ainsi modifié :
1o Après les mots : « organisations syndicales représentatives », sont insérés
les mots : « au plan national ou » ;
2o Après les mots : « en faveur », sont insérés les mots : « d'un candidat
à un emploi ou ».
Article 6
L'article L. 140-8 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 140-8. - En cas de litige relatif à l'application du présent
chapitre, les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 123-1
s'appliquent. »
Article 7
I. - L'intitulé de la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre V du code
du travail est ainsi rédigé : « Electorat, éligibilité et établissement
des listes électorales et des listes de candidatures ».
II. - Après le paragraphe 3 de la même section 1, il est inséré un
paragraphe 4 ainsi rédigé :
« § 4. Etablissement des listes de candidatures
« Art. L. 513-3-1. - La déclaration de candidature résulte du dépôt à la
préfecture d'une liste dans les conditions fixées par décret.
« Ne sont pas recevables les listes présentées soit par un parti politique,
soit par une organisation prônant des discriminations fondées notamment sur le
sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle, l'origine, la nationalité, la race,
l'appartenance à une ethnie ou les convictions religieuses, et poursuivant
ainsi un objectif étranger à l'institution prud'homale. »
III. - L'article L. 513-10 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 513-10. - Les contestations relatives à l'électorat sont de la compétence
du tribunal d'instance qui statue en dernier ressort. »
IV. - Il est inséré, dans le même code, un article L. 513-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 513-11. - Les contestations relatives à l'éligibilité, à la régularité
et à la recevabilité des listes de candidats à l'élection des conseillers
prud'hommes, ainsi qu'à la régularité des opérations électorales, sont de
la compétence du tribunal d'instance qui statue en dernier ressort. Elles
peuvent être portées devant ledit tribunal, avant ou après le scrutin, par
tout électeur ou mandataire d'une liste relevant du conseil de prud'hommes pour
lequel la contestation est formée, le préfet ou le procureur de la République,
dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Article 8
I. - Il est inséré, dans le code de l'action sociale et des familles, un
article L. 315-14-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 315-14-1. - Dans les établissements et services mentionnés à
l'article L. 312-1, le fait qu'un salarié ou un agent a témoigné de mauvais
traitements ou privations infligés à une personne accueillie ou relaté de
tels agissements ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables
le concernant en matière d'embauche, de rémunération, de formation,
d'affectation, de qualification, de classification, de promotion
professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour
décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire.
« En cas de licenciement, le juge peut prononcer la réintégration du salarié
concerné si celui-ci le demande. »
II. - Il est inséré, dans le même code, un article L. 443-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 443-11. - Les dispositions de l'article L. 315-14-1 sont applicables
aux salariés d'une personne ou d'un couple accueillant. »
Article 9
Un service d'accueil téléphonique gratuit est créé par l'Etat. Il concourt
à la mission de prévention et de lutte contre les discriminations raciales. Ce
service a pour objet de recueillir les appels des personnes estimant avoir été
victimes ou témoins de discriminations raciales. Il répond aux demandes
d'information et de conseil, recueille les cas de discriminations signalés
ainsi que les coordonnées des personnes morales désignées comme ayant pu
commettre un acte discriminatoire.
Le secret professionnel est applicable aux agents du service d'accueil téléphonique
et à toutes les personnes qui, au niveau local, sont chargées de traiter les
signalements transmis par ce service dans les conditions prévues au articles
226-13 et 226-14 du code pénal.
Dans chaque département est mis en place, en liaison avec l'autorité
judiciaire et les organismes et services ayant pour mission ou pour objet de
concourir à la lutte contre les discriminations, un dispositif permettant
d'assurer le traitement et le suivi des cas signalés et d'apporter un soutien
aux victimes, selon des modalités garantissant la confidentialité des
informations.
Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de transmission des
informations entre les échelons national et départemental ainsi que les
conditions d'organisation et de fonctionnement du dispositif départemental.
L'affichage des coordonnées du service d'accueil téléphonique est obligatoire
dans tous les établissements mentionnés à l'article L. 200-1 du code du
travail ainsi que dans les administrations de l'Etat, les collectivités
territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les
organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion
d'un service public administratif.
Article 10
I. - Le premier alinéa de l'article L. 767-2 du code de la sécurité sociale
est ainsi rédigé :
« Le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les
discriminations met en oeuvre des actions visant à l'intégration des
populations immigrées ou issues de l'immigration résidant en France ainsi qu'à
la lutte contre les discriminations dont elles pourraient être victimes. »
II. - Dans le deuxième alinéa du même article, les mots : « le fonds
d'action sociale » sont remplacés par les mots : « le fonds d'action et de
soutien ».
Article 11
I. - Le deuxième alinéa de l'article 6 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi rédigé :
« Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les
fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales,
philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de
leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence
physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance,
vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. »
II. - Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa
ainsi rédigé :
« De même, des conditions d'âge peuvent être fixées, d'une part, pour le
recrutement des fonctionnaires, lorsqu'elles visent à permettre le déroulement
de leur carrière, d'autre part, pour la carrière des fonctionnaires,
lorsqu'elles résultent des exigences professionnelles, justifiées par l'expérience
ou l'ancienneté, requises par les missions qu'ils sont destinés à assurer
dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi. »
III. - Il est inséré, après le dernier alinéa du même article, quatre alinéas
ainsi rédigés :
« Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la
formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la
mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération
:
« 1o Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique
ou engagé une action en justice visant à faire respecter les principes énoncés
au deuxième alinéa du présent article ;
« 2o Ou bien le fait qu'il a témoigné d'agissements contraires à ces
principes ou qu'il les a relatés.
« Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé aux
agissements définis ci-dessus. »
La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 16 novembre 2001.
Jacques Chirac
Par le Président de la République :
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