L'Union en ligne - Mardi 17 septembre 2002
Meurtre sauvage dans un parc de Reims

Le corps d'un homme frappé à la tête a été repêché dimanche dans le plan d'eau d'un parc rémois. Agression homophobe ? Règlement de comptes ? Les policiers ignorent jusqu'au nom de la victime.

« Je cherchais des cadavres de poissons. Je ne pensais vraiment pas trouver celui d'un homme. »
Technico-commercial de 31 ans, Quentin Renaud est encore sous le coup de la macabre découverte qu'il a faite dimanche matin au parc Léo-Lagrange à Reims, où un inconnu a trouvé la mort après avoir été tabassé et jeté à l'eau du haut d'une passerelle.
« Depuis quelques jours, je venais au parc pour compter les poissons morts » raconte M. Renaud. « Tous les gros spécimens, comme les carpes, sont en train de mourir. Dimanche vers 10 h 30, je suis arrivé sur cette berge. J'ai repéré le cadavre d'une carpe. En levant les yeux pour observer la rive opposée, j'ai vu une tache blanche entre deux eaux. J'ai été intrigué. C'était beaucoup trop gros pour un poisson. Je suis allé sur la passerelle qui enjambe le bras de l'étang. De là, j'ai nettement distingué un buste humain, le dos tourné vers la surface. Je suis tout de suite allé à la piscine-patinoire pour faire prévenir les pompiers. »

Aucune identité, aucune circonstance
Arrivés sur place, les secours ont rapidement compris qu'ils étaient confrontés à un décès suspect. Des taches de sang étaient visibles sur le plancher et la rambarde de la passerelle. Retiré de l'eau, le cadavre a confirmé les soupçons. L'homme âgé d'une trentaine d'années présentait d'importantes lésions à la tête. Il était torse nu, sans aucun papier sur lui.
« Nous ne savons toujours pas qui est cette personne », indiquait hier le procureur de Reims Serge Dintroz. « D'après les premières constatations, le corps aurait séjourné dans l'eau une dizaine d'heures. On peut donc penser que les faits ont eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche. »
La cause du décès reste également à établir. Seule l'autopsie permettra de savoir si l'homme était déjà mort lorsqu'il a été jeté à l'eau, ou s'il a succombé à une noyade après avoir été frappé.
Dans l'attente de l'identification de la victime, les enquêteurs en sont contraints à lister les hypothèses. Le lieu du crime peut fournir une piste. Espace vert de 13 hectares aménagé au cœur de Reims, le parc Léo-Lagrange présente deux visages : un lieu de promenade prisé des familles le jour, un lieu de rencontres homosexuelles la nuit.

Un parc fréquenté dangereusement la nuit
Deux hypothèses sont énoncées en priorité par le procureur Dintroz. « Soit une rixe entre homosexuels qui a mal tourné, soit un homosexuel victime d'une « chasse aux pédés », comme on dit vulgairement. » Des expéditions homophobes ou des vols avec violence commis au préjudice d'homosexuels sont en effet régulièrement déplorés dans ce parc.
L'hypothèse d'un règlement de comptes entre voyous n'est pas à exclure, de même qu'une rixe avinée qui aurait mal tourné. Quoi qu'il en soit, cette dramatique affaire rappelle combien le parc Léo-Lagrange peut être dangereusement fréquenté la nuit venue. Il y a un an, une association homosexuelle avait même demandé à la ville de renforcer l'éclairage public pour diminuer les risques d'agressions. Sa démarche était intervenue quelques jours après l'interpellation de cinq hommes qui se rendaient au parc avec une hache, deux couteaux et deux battes de base-ball pour « manger » et « casser du pédé », selon leurs propres expressions.
A l'époque, les policiers avaient eu quelques sueurs froides en imaginant ce qui aurait pu se produire si la bande n'avait pas été arrêtée en chemin.

Fabrice Curlier