Conférence sur le PaCS le mardi 21 novembre 2000
Invités : Maître CHAUVEAUX, avocat, qui a son cabinet au 43, rue des Capucins à Reims, Jacky & Raymond, couple pacsé depuis le 14 décembre 1999, Gilles DOWEK, Président de l'association ARDHIS, accompagné de Randy, homosexuel sans-papiers, originaire du Venezuela.
Le débat est animé par Arnaud, Président de Reims Liberté Gaie, dans la salle publique Saint-Thierry de Reims.

Arnaud : Les derniers chiffres du PaCS : environ 23.000 PaCS signés à septembre 2000. Selon un récent sondage, 60 % de la population accepte le PaCS. Que représente le PaCS ?

Maître CHAUVEAUX : Le PaCS répond à une longue attente, notamment des concubins. La législation est, pour eux, très limitée. Il n'existe aucune organisation du ménage en dehors du mariage.
Cependant, le PaCS ne répond pas aux besoins des personnes des professions du Droit, et beaucoup de règles de la vie des concubins viennent du 19ème siècle.
Pour établir ou rompre un PaCS, c'est facile, mais la difficulté réside dans l'organisation du ménage (bien mobiliers...). Le législateur ne s'est pas posé les bonnes questions. Par exemple, un couple de pacsés qui rompt doit se débrouiller pour liquider les biens du couple.
Ce pourrait être un échec du PaCS, car les inconvénients sont nombreux.

Jacky : Le PaCS ne nous a rien apporté. On avait déjà organisé notre vie de couple, notamment pour l'appartement, de façon à ce que l'un des deux conjoints ne soit pas mis à la porte par la famille de l'autre en cas de décès. Mais signer le PaCS au Tribunal, c'est bien car c'est officiel.
Certes, la Mairie aurait été mieux. Cependant, le Tribunal a un aspect juridique officiel. Le PaCS n'a rien changé à l'amour. Il n'a rien apporté. Ce n'est pas le mariage, malgré les alliances qu'on s'est offert. Un prêtre a pu les bénir, mais pas les consacrer.

Arnaud : Qui peut signer un PaCS ?

Maître CHAUVEAUX : La Loi demande d'être capable. Donc majeur. Un mineur, même émancipé, même avec l'accord de ses parents, ne peut pas.
Être capable, c'est aussi avoir toutes ses facultés. Une personne sous tutelle ne peut donc pas conclure un PaCS. Pour la personne sous curatelle, il existe un flottement, car contrairement à la personne sous tutelle, elle peut accomplir les actes de la vie courante. Aura-t'elle besoin de l'acceptation du curateur ? C'est un vide juridique.
Il faut aussi qu'il y ait absence d'empêchement. C'est-à-dire que le PaCS ne doit pas être adultérin (aucun des deux ne doit être marié), ni incestueux (les deux partenaires ne doivent pas être parents proches). C'est interdit également avec un ou une cousine germaine, contrairement au mariage qui l'autorise sous certaines conditions.
Il doit  également y avoir une vie commune entre les deux majeurs, c'est-à-dire "même toit, même lit". Pour les personnes qui n'ont pas le même lieu de travail, et donc pas le même toit, là aussi il subsiste un vide juridique. Cela ne paraît pas possible. Le domicile doit être le même, contrairement au mariage, qui n'oblige pas à avoir le même lieu de résidence.
Le PaCS est une alternative au mariage. La fratrie, par exemple, n'était pas dans l'esprit du texte.

Arnaud : Que doit-on faire pour conclure un PaCS ?

Maître CHAUVEAUX : Au niveau des formalités, il faut rédiger et signer une convention avec des pièces justificatives (extrait de naissance, prouvant qu'on n'est pas marié(e)...), à déposer au greffe du Tribunal d'Instance du lieu de résidence. Le greffier vérifie les pièces, tamponne et enregistre le PaCS. Un point c'est tout.

Jacky : Pour notre PaCS, la greffière du Tribunal de Reims n'a même pas lu la convention. Et elle ne voulait enregistrer le PaCS que le mardi ! Il a fallu l'appui de Madame HAZAN (député PS, candidate à la Mairie de Reims, et à l'initiative du texte de loi du PaCS, NDLR) pour que ce soit ouvert tous les jours. E plus, la greffière a refusé que ma fille, qui a quand même 30 ans, puisse entrer avec nous.

Raymond : Malgré Internet et toutes les évolutions, il a fallu attendre trois semaines pour avoir un extrait de naissance. C'est long !

Jacky : On ne sollicite que nous deux et un couple d'amies lesbiennes pour les médias (journal local et reportage télé national, NDLR).

Maître CHAUVEAUX : Petite précision, la déclaration doit être conjointe : les deux personnes doivent se présenter ensemble au Tribunal d'Instance.

Jacky : On a attendu une demi-heure au Tribunal, et quand j'ai demandé à la greffière de laisser entrer ma fille, elle a refusé. En quelques minutes, c'était réglé ! En sortant, dans le couloir du Tribunal, il y avait des juges et des avocats, et Raymond n'a pas hésité à me rouler une pelle ! J'étais gêné... Mais les juges et les avocats présents ont applaudi...

Maître CHAUVEAUX : Il n'y a pas de texte sur l'impossibilité de faire entrer quelqu'un au Greffe. Seulement, même s'il n'y a pas la solennité, c'est une notion de "déclaration", donc qui ne doit être faite qu'en présence des deux personnes. C'est la même chose pour les avocats qui doivent faire une déclaration. C'est frustrant, c'est encore une imperfection de la Loi. Des témoins n'ont pas été rendus obligatoires par le texte de Loi. C'est sûr, la greffière n'a pas fait preuve de fair-play. Peut-être changera t'elle ?

Arnaud, à Jacky et Raymond : En 1 an, est-ce qu'il y a eu beaucoup de différence ?

Jacky : Oui, car ça a permis d'annoncer à beaucoup de personnes qu'on était homosexuels. Les gens l'ont très bien pris, il y a une meilleure reconnaissance.

Claude : Qu'est-ce qui figure sur une fiche d'État Civil ?

Maître CHAUVEAUX : Il n'y a pas le conjoint pacsé indiqué sur une fiche familiale d'État Civil. Par contre, les documents administratifs doivent maintenant prévoir le PaCS.

Arnaud : Ça apporte quoi, le PaCS ?

Maître CHAUVEAUX : La Loi permet de se pacser par une simple déclaration au Tribunal d'Instance, mais les partenaires se doivent tout de même une aide mutuelle et matérielle, prévue dans le PaCS, et non pas par la Loi. Tout loisir est donc laissé aux personnes qui veulent conclure un PaCS pour régir cette aide mutuelle.
Le juge aux affaires familiales peut trancher sur la participation par rapport aux revenus et charges de chacun, mais il vaut mieux le prévoir dans la convention. Comme dans le mariage, il y a une solidarité des dettes pour les achats de la vie courante, mais différente du mariage du Code Civil, car la dette est afférente aux besoins de la vie courante. Le créancier peut réclamer la dette indifféremment à l'un ou à l'autre des pacsés.
Les biens acquis durant le PaCS sont soumis à la règle de l'indivision (50/50). Concernant les meubles meublants, la liberté est laissée pour diviser les biens entre les partenaires. Pour les biens souscrits (matériels et immatériels), ils sont présumés indivis, sauf clauses spéciales lors de l'acquisition du bien. Les autres biens non meublants, non acquis et non souscrits restent des biens propres du propriétaire.

Yvan : Y a t'il possibilité de modifier les modalités ou les clauses du PaCS en cours ?

Maître CHAUVEAUX : Oui, il suffit de se présenter conjointement au Tribunal d'Instance. Mais on ne peut pas revenir sur une situation donnée par effet rétroactif.

Claude : Peut-on percevoir la pension de réversion du conjoint décédé ?

Maître CHAUVEAUX : Non, ce n'est pas prévu en l'état actuel des choses.

Yvan : La Sécurité Sociale admet comme ayant-droit le conjoint  pacsé. Est-ce que cela est également vrai pour une couverture complémentaire, par le biais d'une mutuelle privée ?

Maître CHAUVEAUX : Les mutuelles sont là pour offrir, comme service, la partie que la Sécurité Sociale ne prend pas en charge. Cependant, aucun texte de Loi, contrairement à la Sécurité Sociale, n'oblige les mutuelles à considérer les conjoints pacsés comme ayant-droit. Malgré tout, une politique commerciale voudrait que les mutuelles prennent en compte ce nouveau phénomène de société.

Yvan : J'imagine que cela permet le rapprochement professionnel ?

Maître CHAUVEAUX : Oui, en effet. D'une manière générale, les dispositions du Code du Travail sont les mêmes que pour les couples mariés : rapprochement pour les fonctionnaires, l'employeur doit tenir compte du couple pour établir des congés en commun, les droits à congé pour événements familiaux sont les mêmes que la Loi ou la Convention Collective, on a droit à l'allocation chômage lorsqu'on a une activité de commerçant ou d'artisan...
Cependant, pour les impôts, c'est identique aux couples mariés hormis le fait qu'il faille attendre 3 ans de vie commune pour faire une déclaration commune de revenus. Ainsi, si vous signez un PaCS en 2000, il faudra attendre 2004 pour remplir un avis d'imposition commun pour les revenus de 2003.
Il faudra joindre à l'avis d'imposition une copie du PaCS.
Attention par contre, lors d'une rupture du PaCS, ce n'est pas comme le mariage ou l'on fait une déclaration commune du 1er janvier à la date de séparation, puis chacun une déclaration pour le reste de l'année. Dans le cas du PaCS, chacun fait sa déclaration d'imposition pour toute l'année civile.
À savoir également, on a le choix de l'imposition commune ou individuelle, tout comme le mariage.

Arnaud : Et concernant les droits des enfants du conjoint pacsé, qu'en est-il ?

Maître CHAUVEAUX :  Il n'y a aucun droit sur l'enfant du partenaire.

Virginie : Cela signifie que si je venais à mourir, ma conjointe pacsée n'aurait pas le droit de garde pour mon enfant ?

Maître CHAUVEAUX : Exactement. C'est le parent naturel restant en vie qui a la garde de l'enfant.

Virginie : Mais le père n'a jamais reconnu l'enfant.

Maître CHAUVEAUX : Dans ce cas, c'est le Conseil de Famille qui décidera. Cependant, le PaCS peut être un élément d'appréciation pour un juge aux affaires familiales afin d'autoriser un droit de garde ou de visite.

Arnaud : Dans un couple pacsé dont l'un des conjoints a eu un enfant auparavant, qui est responsable de l'enfant ?

Maître CHAUVEAUX : Sur le plan pénal, le conjoint du pacsé qui a eu un enfant auparavant peut voir sa responsabilité aggravée en cas d'inceste, par exemple, puisqu'il y a autorité sur l'enfant. Sur le plan civil, seul le parent naturel est responsable de l'enfant.

Arnaud : Et concernant l'adoption, où en est-on ?

Maître CHAUVEAUX : Il n'y a aucun droit d'adoption pour un couple pacsé.

Cédrick : Il faut préciser qu'en France, l'adoption est autorisée pour les couples mariés, mais également aux autres personnes à titre individuel. De ce fait, dans un couple de pacsés, l'un des deux partenaires peut faire une demande d'adoption en son nom propre. Mais ce n'est pas le couple qui adopte.
De la même façon, une personne célibataire peut faire  une demande d'adoption. Après, c'est une commission départementale qui donne l'agrément, mais ça, c'est une autre histoire...

Arnaud : Bien, on va à présent laisser la parole à l'association ARDHIS, qui vient de nous rejoindre.

Gilles DOWEK : Bonsoir, l'ARDHIS est l'Association pour la Reconnaissance des Droits des Homosexuels et transsexuels en matière d'Immigration et de Séjour. Notre association se bat pour l'égalité des droits en matière d'immigration et de séjour, pour qu'il n'y ait plus de discrimination entre hétéros et homos.
Il faut savoir qu'être sans papiers en France, c'est :
1) Risquer de se faire arrêter et expulser ;
2) Ne pas avoir le droit de travailler et donc n'avoir pas droit à la Sécurité Sociale.
Ceci existait déjà, bien entendu, avant le PaCS.
ARDHIS existe depuis environ deux ans. L'association a demandé, lors de la discussion sur le PaCS, à inclure un article permettant d'éviter cette discrimination entre hétéros et homos.
ARDHIS a été entendue par un député PC et un député des Verts. Le PC a déposé un amendement, qui a été refusé. Cependant, il y a une circulaire faite par Monsieur Jean-Pierre Chevènement, alors Ministre de l'Intérieur, qui indique aux Préfets que la PaCS est un élément qui, peut-être, permettrait d'avoir des papiers.
Mais c'est un flou juridique, et ARDHIS voulait que ce soit clair.
Jean-Pierre Chevènement a expliqué par une circulaire que la relation devait être durable (depuis 3 ans). Donc, la Loi exige que, pour obtenir des papiers, il faut être en France depuis 3 ans. Mais la Loi vous interdit d'être en France sans papiers... La Loi est donc une machine à fabriquer des sans-papiers !
Alors, que faire pour obtenir des papiers ? Il faut être visible, pour prouver ces 3 années de relation. Visible, cela signifie mettre les factures aux deux noms, le compte-bancaire aux deux noms...
Il faut savoir qu'une fédération d'association mécontentes du PaCS est en train de se créer, pour faire réviser le PaCS. Une commission de deux parlementaires Jean-Pierre Michel et Patrick Bloche, va auditionner les associations sur ce qui ne va pas (ARDHIS insiste sur le fait que les pédés de province doivent être visibles auprès de ces parlementaires, qui croient que le PaCS ne se fait qu'en Région Parisienne !).
Les principes fondamentaux de la République sont les mêmes pour les hétéros que pour les homos !
Il y a trois recours contre l'administration qui refuse de donner des papiers à un étranger :
1) le recours gracieux : on demande au Préfet de revoir le dossier
2) le recours ministériel : on demande au Ministre de revoir le dossier, s'il le veut bien...
3) et le recours auprès du Tribunal Administratif. Et là, ce qui est intéressant, c'est que ce n'est plus le Gouvernement qui décide (Préfet ou Ministre), mais la Justice. Décision qui peut encore être révisée par le Conseil d'État. Pour des sans-papiers pacsés, il faut se déclarer à la Préfecture, pour commencer à prouver qu'on est présent en France, et si nécessaire, attaquer la Préfecture auprès du Tribunal Administratif.

 

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